Traditionnellement accusé d’archaïsme et d’immobilisme, le monde de l’éducation français est entré dans une phase de mutation, conformément à la tendance mondiale. La digitalisation des outils et des méthodes d’enseignement se généralise. En 2016 le quart des élèves de cinquième des collèges français a été équipé de tablettes. Dans l’enseignement supérieur, les MOOC (Massively Open Online Courses) et autres plateformes d’apprentissage en ligne se sont multipliés. Les universités et grandes écoles développent leurs propres programmes connectés mêlant des contenus audios, vidéos, écrits et des interactions entre les professeurs et les élèves via des forums dédiés.

Un marché de l’apprentissage en ébullition

Face à cette vague d’innovations pédagogiques, le secteur privé n’est pas en reste : les edtechs représentent un genre nouveau d’entreprise, dont la technologie novatrice a vocation à révolutionner le monde de l’éducation. Si aux Etats-Unis le domaine convainc avec plus d’un milliard investi en 2016, seule une trentaine des plus de 300 start-ups qui composent le secteur français ont réussi à lever des fonds. La France présente pourtant un écosystème universitaire, public et privé dynamique, avec notamment les structures Ed21, le Lab de l’éducation, la French touch de l’éducation présentes pour promouvoir l’innovation dans les secteur de l’enseignement. Encline à reconnaître l’intérêt du big data dans l’enseignement, l’Éducation nationale participe à ce mouvement et s’inscrit dans la démarche nationale d’open data en initiant la publication de ses jeux de données.

La révolution de l’apprentissage personnalisé 

Quelles sont les innovations technologiques à l’origine des mutations de ce secteur ? La data science a fait son entrée dans le domaine de l’enseignement sous le nom de learning analytics. Il s’agit de collecter, mesurer et analyser les traces laissées par les utilisateurs sur les outils d’apprentissage connectés, afin de proposer une personnalisation du parcours d’apprentissage, ou l’adaptative learning. Les champions du secteur comme Knewton, Domoscio ou Mereos se font fort de comprendre le profil des élèves pour leur proposer le meilleur format de leçon. Cours théoriques, exercices pratiques, leçons vidéos ou ludiques : un même contenu est décliné sous de nombreux formats pour être le plus agréable possible. Mettre les notions de plaisir et d’intérêt au coeur de ces nouveaux outils pédagogiques permet d’entrevoir  un mode éducatif où l’intelligence artificielle remet l’humain au centre de l’interaction avec la machine. Les conclusions de l’Inria Learning Lab (spécialisé dans la création de MOOC en sciences du numérique) vont dans ce sens : “ Il n’est bien entendu pas question de remplacer les professeurs, mais plutôt de réfléchir à des synergies”, commente Alesandro Lazaric, chercheur dans cet institut.

Toutefois l’adaptative learning dans chaque salle de classe n’est pas pour tout de suite. Si aux États-Unis des initiatives se multiplient pour intégrer les données dans la gestion des établissements et améliorer les résultats scolaires, la France s’y attèle doucement. La position centrale et décisionnelle de l’Éducation nationale peut se révéler à cet égard être autant un atout qu’un handicap majeur. S’y ajoutent des freins juridiques : dans ce domaine les précautions d’usage en lien avec le respect de la vie privée sont d’autant plus impératives que les populations ciblées sont mineures. Au pays de Jules Ferry, la révolution de l’enseignement par la data pourrait bien passer par l’offre privée.